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PETIT DIDEROT PORTATIF à l'attention des classes de lycées Petit Diderot en vidÉoPRESSE

Jacques le Fataliste

d'après Diderot

Adaptation : Yves Lebeau
Mise en scene : Yves Gourmelon

Avec Pierre Barayre (Jacques)
Philippe Goudard (Le Maître)
Scénographie : Yves Gourmelon d’après une idée de Magali Ollier
Costumes : Judith Chaperon et Catherine Leloup
Collaboration artistique : Lydie Parisse
Réalisation sonore : Henri d’Artois
Lumières : Tangi
duréé : 1h20

Coproduction cie Théâtre au Présent, Théâtre des Treize Vents - CDN de Montpellier et Théâtre de Clermont l'Hérault.


photo Marc Ginot

prochaines dates le 10 avril 2008 à 14h30 et 20h30
au Theatre d'Albi
rue Saint Antoine - 81000 Albi
reservation au 0 5 63 38 94 95

Jacques le Fataliste est un spectacle qui a marqué la vie de la compagnie. Il a été créé une première fois en 1994 à Saint Jean de Védas en préfiguration de l'ouverture du Théâtre Chai du Terral que Yves Gourmelon dirigera pendant 12 ans.
Le spectacle avait été très bien accueilli par les spectateurs, les professionnels et la presse. Il a tourné pendant deux saisons. Les acteurs et le metteur en scène rêvaient d'une reprise et se sera chose faite à l'automne 2006. Il est repris aujourd’hui avec les mêmes acteurs, et les mêmes principes de réalisation qui avaient séduit il y a onze ans. Une recréation


Recréation

Du jeudi 5 au vendredi 6 octobre 2006 à 21h au Théâtre de Clermont l'Hérault.

Diffusion

Du lundi 22 au mardi 23 janvier 2007- représentations scolaires - à laScÈne Nationale de NarbonnE
(lundi 22 à 14h45 et le mardi 23 à 10h et à 14h45).

Du mardi 30 janvier au vendredi 2 février 2007 au ThÉÀtre Nationale de SÈte
(mardi 30 à 20h30, mercredi 31 à 19h, jeudi 1er à 20h30 et vendredi 2 à 20h30)

Du jeudi 8 au vendredi 9 février 2007 au Domaine de Bayssan
(jeudi 8 à 14h30 -scolaires - et vendredi 9 à 21h).

Le 24 mars 2007 au Théâtre du Rond Point de Saint Maur des Fossés
(samedi à 10h - scolaires - et à 21h)

Du 17 au 21 avril 2007 au ThÉÂtre des Treize Vents de Montpellie
(mardi 17 à 20h45, mercredi 18 à 19h, jeudi 19 à 19h et vendredi 20 et samedi 21 à 20h45).


Jacques le Fataliste

« Comment s'étaient-ils rencontrés ? Par hasard comme tout le monde. Comment s'appelaient-ils ? Que vous importe. D'où venaient-ils ? Du lieu le plus prochain. Où allaient-ils ? Est-ce que l'on sait où l'on va ? »

Ainsi débute Jacques le Fataliste, le roman de Diderot. Ainsi débute l'adaptation pour la scène de Yves Lebeau où la matière essentielle du livre est rassemblée dans les deux personnages de Jacques et de son maître.

Une station le long d'un chemin. On n'en connaît ni le point de départ, ni le terme. On entend au loin des coups de tonnerre. Deux acteurs aux costumes ressemblants détaillent leurs rôles qui s'opposent. La nuit claire, la nature, le ciel, l'alcool dissolvent les contours de la réalité. Qu'est-ce qu'un fou ? Qu'est-ce qu'un sage ? Quel est mon désir ? Suis-je un homme ? Qu'est-ce que c'est qu'une femme ? Par une belle nuit d'orage, un maître et son valet délivrent une libre conversation : les croyances et les certitudes s'effritent, l'ordre social se lézarde, et l'amour le plus charnel se cultive avec jubilation, à la fin de ce dix-huitième siècle où tout bascula.

Sur le chemin de la destinée, le temps d'une halte improvisée à la belle étoile, deux « routards » emblématiques – Jacques et son Maître – rejouent le couple masculin, infernal et immuable de l'histoire du théâtre : Don Juan et Sgnanarelle, Puntilla et Matti, Pozzo et Lucky, Le Clown blanc et l'Auguste…

A la fois fable sociale, métaphysique, philosophique, roman du désir, mais aussi et surtout brillant divertissement, ce texte de Diderot porté à la scène devient une pièce majeure et actuelle capable de rivaliser avec les meilleures pièces de notre répertoire contemporain.

Le théâtre de Diderot témoigne d'un tournant de la vie théâtrale, l'avènement d'un réalisme dramatique mais il est trop tributaire des conditions de la représentation théâtrale de la fin du dix huitième siècle, trop imprégné d'un certain didactisme qui aujourd'hui passe mal la rampe. Diderot rêvait d'un autre théâtre, en liberté qu'il a en partie réalisé dans ses romans notamment et c'est ce « rêve de théâtre » que j'ai tenté de représenter avec cette mise en scène de « Jacques le Fataliste » que je reprend aujourd'hui. Je garde pour cette nouvelle présentation les fondamentaux du projet original : un duo d'acteurs inspirés (Philippe Goudard et Pierre Barayre) sur un plateau nu incliné et à travers eux la géniale conversation de Denis Diderot.

Yves Gourmelon

Diderot, Jacques et le théâtre

Diderot était fasciné par le théâtre, il a écrit des pièces de théâtre, mais ce ne sont pas elles qui l'ont rendu célèbre dans le milieu du théâtre. Ses drames ( Le Fils naturel et Le Père de famille , joués en 1771), sa comédie ( Est-il bon ? Est-il méchant ? 1781), n'ont pas eu le succès escompté. Promoteur du drame bourgeois, qu'il baptise d'abord « genre sérieux », c'est par son essai sur le jeu de l'acteur, le Paradoxe sur le comédien , qu'il est célèbre aujourd'hui. Cet essai est devenu aussi incontournable que La Formation de l'acteur de Constantin Stanislavski et la bio-mécanique de Vsevolod Meyerhold, même si les idées qu'il y développe sont bien différentes. Paradoxe sur le comédien , présenté sous la forme d'un dialogue, écrit en 1773, puis remanié en 1830, insiste sur le dédoublement inhérent au jeu, et sur la tension nécessaire entre réflexion et sensibilité, au profit de la technique et du sang-froid : partagé entre son intellect et ses affects, le comédien doit choisir un modèle à construire et à imiter, et concentrer son travail non sur le ressenti intérieur, mais sur l'effet à produire sur le spectateur. Seul ce dernier doit éprouver l'illusion du vrai.

Le paradoxe de Diderot, c'est que son théâtre n'est pas dans son œuvre théâtrale. C'est par ses idées sur le théâtre qu'il apparaît comme un moderne. Concevant la scène comme un moyen d'éclairer la société, rêvant d'un théâtre engagé avant la lettre, il transgresse la barrière entre les genres, et fait du théâtre dans son roman : Jacques le fataliste . Diderot, comme ses contemporains, se méfie du roman, genre vulgaire, à la fois populaire et méprisé. Son rêve d'écriture est un rêve de théâtre. Nous pouvons lire ses romans comme des pièces avortées – du point de vue de son époque mais pas de la nôtre. Aujourd'hui, roman et théâtre s'influencent mutuellement dans le répertoire contemporain : des textes romanesques sont souvent mis en scène, on adapte beaucoup de romans au théâtre. Enfin, l'écriture didascalique déborde souvent le cadre classique qui lui était prescrit : les didascalies sont parfois lues sur scène, intégrées aux dialogues ou aux monologues. D'ailleurs, les monologues, très importants dans le théâtre contemporain, relèvent de l'écriture narrative. Diderot apparaît donc à nos yeux comme un moderne, non par les formes théâtrales qu'il revendiquait à son époque, mais par sa façon de penser le théâtre.

Revendiquant les prestiges de l'illusion, il dévoile les coulisses de la construction romanesque et théâtrale, avec un insistance sur les ratages, les failles, et la manipulation obligée du spectateur ou du lecteur, qu'il semble concevoir comme un pis-aller. Le mode de lecture qu'il met en scène dans Jacques le fataliste est celui qu'il rêve pour le théâtre, un théâtre imaginaire – qu'il n'a jamais mis en œuvre : il s'agit de placer au premier plan la dimension du jeu et de l'interaction avec le lecteur - ou le public. Le théâtre dont il rêve serait sans auteur, sans intrigue et sans acteur, à l'image de la vie-même, comme si le comble de l'art au théâtre, c'était sa disparition – dans le réel. Enfin, grand amateur de peinture, il envisage la peinture comme une pierre de touche de l'écriture dramatique, et veut faire de la scène un tableau  comme lieu de promenade. Il cherchait dans la peinture de Greuze une pantomime idéale. Son théâtre idéal est composé de tableaux plus que de dialogues et privilégie une observation du mouvement. On a souvent dit que Diderot trouvait dans la peinture de Greuze la réalisation de son esthétique théâtrale, après l'échec de ses pièces.

Le roman Jacques le fataliste porte les marques de l'intérêt de Diderot pour le théâtre : par sa forme, moins narrative que dialoguée ; par le jeu des didascalies, qui remplacent le plus souvent les incises ; par la multiplication des saynètes, des tableaux vivants ; par l'importance accordée aux pantomimes. Adapter Jacques le fataliste au théâtre va de soi. Beaucoup l'ont fait, y compris Milan Kundera avec son Jacques et son maître (1971), qui conservait beaucoup de personnages, ainsi que l'épisode de Madame de la Pommeraye. L'adaptation de Yves Lebeau a ceci de particulier qu'elle suit un axe du récit - Les amours de Jacques -, rejoignant en cela la composante libertine de l'oeuvre et de l'époque de Diderot, héritière de la veine populaire des fabliaux et de Boccace. Elle obéit à un principe de concentration : concentration du récit, des personnages, du lieu, de l'action, suppression des récits secondaires. Dans cette brillante conversation qui nourrit tous les fils passés, présents et à venir de l'action, seul subsiste l'antagonisme du serviteur et du maître, du silence et de la parole, du hasard et de la nécessité, de la liberté et du destin, de l'itinérance et de l'immobilité.

Lydie Parisse

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