Cet atelier de la compagnie Théâtre Au Présent réunit chaque saison un groupe passionné de comédiens amateurs avec l'objectif d'un spectacle à part entière, réalisé modestement mais avec exigence artistique.

C'est à considérer la mort, et à vivre l'agonie du point de vue du futur trépassé que Ionesco nous convie : accéder au grand renoncement suppose se défaire du désir, se déprendre du monde. Le Roi se Meurt est, en ce sens, un exercice spirituel. Mais c'est aussi un rituel, autrement dit, la mort considérée et traitée du point de vue du groupe social. Le cadavre déstabilise le monde humain : tout se déglingue dans le royaume. Le but du rituel est de transformer le cadavre, objet perturbant, en signifiant du discours qui fait qu'il y a société, et de consolider le royaume.

Ainsi, la reine Marie signifie le désir, l'attachement aux douceurs de la vie, mais aussi le cadavre répugnant avant son retraitement par le groupe social : voilà deux bonnes raisons de disparaître. La reine Marguerite est l'ordonnatrice du rituel qui, transformant le cadavre en support du discours social, le sublime en grand ancêtre, principe monarchique, corps symbolique du Roi qui ne meurt jamais, âme accueillie au séjour des morts, cher disparu : fermons la classe d'équivalences.

Pour revenir à notre bel aujourd'hui, les compagnies d'assurances, les entreprises de pompes funèbres nous conseillent de préparer nous-mêmes nos obsèques comme on enseigne aux tous petits la propreté, et notre départ pour le grand voyage – frais, roses et pomponnés, tous beaux dans nos beaux cercueils – est un ultime hommage au Capital. Voilà bien des raisons de regarder ce roi mourir.